Quand on parle de super-héros à la télévision, on a plus tendance à penser à des dessins animés pour enfants que de réels objets sériels concrets. C’est pourtant ce qui est en passe de se réaliser à la rentrée prochaine. Petit décryptage d’une brèche qui n’est pas prête de se refermer.

Nous sommes en ce début de mois de mai, et aux Etats-Unis, l’heure est à la préparation. Les bureaux de NBC, CBS, FX, HBO et des autres croulent de montagnes de nouvelles pépites, vrais ou faux prochains « next big thing » qui défouleront les spectateurs du monde entier sur Facebook, sur Twitter, sur Instagram, sur Reddit, qui affoleront les compteurs des sites de streaming et des réseaux de téléchargement illégal. Les pilotes se multiplient, les budgets aussi. Pourtant, il y a bien une valeur sûre sur laquelle les producteurs ont un œil constant depuis quelques années maintenant : les adaptations de comics.

Les séries font leur cinéma

N’est pas HBO qui veut. La chaîne américaine est référence en terme de séries télévisées. Elle sait attirer l’engouement d’un large public en voyant les choses en grand, comme avec Game Of Thrones. Elle sait miser sur les succès cinéphiles avec True Detective. Elle sait régaler les critiques les plus pointues avec The Wire. Nous parlons là, plus que d’une chaîne, d’un monstre omnipotent qui peut tout se permettre, ou presque.

C’est loin d’être le cas des chaînes concurrentes, qu’elles soient dédiées ou non à l’audiovisuel. Elles qui recherchent en permanence la nouvelle pépite d’audience du petit écran lorgnent de plus en plus du côté d’une production assimilée à celle des longs métrages cinématographiques. Finies, les séries à papa aux esthétiques sommaires, proprettes et stéréotypées. Terminées, les sitcoms à la pelle dont les spectateurs ont tant été gavés au début des années 2000. La série a redéfini ses standards et les élèvent au rang des salles obscures.

Cape ou pas cape

Et qu’est-ce qui marche au cinéma ? Les films de super-héros adaptés de comics. Il est donc assez logique que les chaînes voient d’un œil séduisant des aventures qui touchent toutes les catégories d’âge : les plus jeunes, les plus geeks, les plus curieux. Tout le spectre des spectateurs fidèles, en résumé.

Quelques franchises ont déjà été adaptées sur petit écran. Mais pour quel résultat ? La plupart d’entre elles sont animées et visent donc un public (très) jeune. La seule contre-exception notable est Smallville, qui a tenu dix saisons – on se demande bien comment avec une si forte tendance à la « teen romance » et des épisodes dont la teneur était souvent contestable.

Hors cette fresque bien trop rose pour se poser en tant que réelle première pierre des super-héros à la télévision, c’est le vide qui prédomine entre 2000 et 2010. Il faudra attendre leur explosion au cinéma avant que l’idée de leur transposition ne traverse l’idée des producteurs.

Avantage DC

Ce sera à Arrow de flécher le chemin. En 2012, dans l’indifférence presque générale, DC signe avec CBS et TimeWarner l’adaptation des aventures du Green Arrow, un justicier qui fait figure de croisement entre Robin Des Bois pour son maniement à l’arc et de Batman pour son côté milliardaire déchu, justicier à la défense des opprimés dans une ville rongée par la corruption. Pas de super-pouvoirs, mais un héros parfait pour tester les rouages d’un marché qui a tout à construire.

Au crash-test, Arrow est assez vendeur pour attirer quatre millions de téléspectateurs et garder un rythme continu jusqu’à trouver celui de croisière lors de sa deuxième saison produite entre 2013 et 2014. De quoi faciliter la confiance des investisseurs, et surtout de quoi susciter une réaction de la part du rival honni de DC, Marvel. Consciente du marché qu’elle laisse filer, la maison de Stan Lee reste confiante puisqu’elle a pris une sacrée avance du côté des salles obscures avec la mythologie qu’elle monte autour d’Avengers. Jouant la sécurité mais aussi la carte de la fidélité, Marvel lance Marvel : Agents of SHIELD à la rentrée 2013.

« MAOS » se présente comme une succession de pièces manquantes qui font le lien entre les différents films de l’univers. Problème, ABC a joué petit bras. La série déçoit les critiques et les spectateurs par une ambiance bien trop feutrée, par le manque de maturité de ses personnages et par des guest-stars qui ne sont pas au rendez-vous. Les spectateurs lâchent l’affaire progressivement, et il faut bien toute l’énergie du monde pour que Disney daigne renflouer la baraque et assurer une deuxième saison.

Dark is the new black

Il manque à Marvel Agents of SHIELD un facteur déterminant pour s’assurer un public un peu plus averti. Un problème qu’avaient déjà rencontré les productions cinématographiques du genre après l’essoufflement des Spider-ManDardevil et autres Catwoman. Il manque une identité, une patte. Il manque une manière de se démarquer. Le pessimisme furieux de The Dark Knight, la politisation rusée de Watchmen ou le charisme d’Iron Man avaient répondu à ce défi. Il est temps pour leur pendant télévisuel de s’affirmer à leur tour. Marvel, vexé du revers pris par Agents of SHIELD, préfère cogner plus fort que cogner autrement. La production réitéra l’expérience du spin-off à long cours à la rentrée prochaine avec Marvel’s Agent Carter, basé sur l’héroïne du même nom. Pas sûr cependant que cette solution soit la mieux adaptée, d’autant que la sauce Captain America de laquelle provient l’héroïne est justifiable aux Etats-Unis mais semble ne pas prendre en Europe.

DC, plus malin, cherche à confisquer le trône du salon (le canapé, en somme) pour de bon. Main gauche, nous avons Gotham, petite bombe centrée comme son nom l’indique sur la cité de Batman. Un prequel qui s’annonce aussi ténébreux que risqué, à jouer ainsi avec la jeunesse de Bruce Wayne. Le moindre faux pas sera immédiatement sanctionné, mais l’environnement jouit d’une trilogie et d’une série de jeux vidéo qui ont enchanté les fans et qui ne manqueront pas d’attiser leur intérêt. Main droite, Constantine, gadget parfait de la rédemption après le jugement tronqué de sa première adaptation cinématographique de 2005 par une armée de fans criant au scandale d’une adaptation périlleuse. Moins de sérieux, plus de second degré mais aussi d’horreur, la série promet de la différence.

Pour assurer ses arrières, DC se paie même le luxe de préparer iZombie, qui surfe sur la vague des morts-vivants pour se concentrer sur une employée de morgue aux appétits encéphaliques et The Flash, qui profite de l’absence sur grand écran du plus rapide des super-héros pour dérouler autrement sa biographie. Côté public, on souhaite juste que se développe notre capacité à remonter dans le temps pour pouvoir gérer des agendas de plus en plus remplis.

Robin Souriau