Cette semaine, les suites sont mises à l’honneur avec deux films pourtant bien différents l’un l’autre, dans leur contenu comme dans leur héritage. D’un côté, The Raid 2 : Berandal jouit de l’excellente impression qu’avait fait son prequel, pour un film d’action entre cartel indonésien et scènes ultraviolentes. De l’autre, American Nightmare 2 : Anarchy doit, lui, composer avec un passif décevant, puisque The Pledge (de son nom original) avait déçu autant que son scénario de départ excellait. 

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the raid 2 berandal
The Raid 2 : Berandal

 

Lorsqu’on est estampillé « film d’action bourrin » et que notre scénario flirte avec les 2h30, il est évident que les esprits s’interrogent. The Raid, film aussi événement que surprise crée l’admiration de tous en 2012. Réalisé par Gareth Evans, Gallois inspiré par les arts martiaux indonésiens et plus particulièrement par le silat, style de combat rapide, violent et spectaculaire, critiques et spectateurs sont unanimes pour admirer la virtuosité de la mise en scène d’un réalisateur inconnu en Europe, et les talents d’acteurs et de chorégraphes d’Indonésiens magnifiques et crasseux à la fois.

Le défi le plus grand de The Raid 2 : Berandal (signifiant « criminels » en français) en 2014 est de s’émanciper de l’effet de surprise et de prouver, à la fois pour Evans, monteur-scénariste-réalisateur et Iko Uwais, son acteur principal et chorégraphe désormais star, que la suite vaut autant que l’original. N’ayez crainte : c’est assurément le cas. En s’accordant ces 150 minutes qui en ont surpris plus d’un avant la séance, en sortant du piège de béton du premier opus, en allant explorer toutes les facettes du monde du crime organisé, Berandal gagne en légitimité et en cohérence. Des prisons aux rues de Jakarta en passant par les QG des cartels, c’est un monde qui se développe.

Poing d’honneur au scénario

Les combats sont justifiés par une intrigue étonnamment complexe, où les relations entre cartels, corrompus, flics et fils déchus se rapprochent plus de la trilogie du Parrain que du manichéisme (aussi délicieux soit-il) des Die Hard. Comme un clin d’œil, Evans a déclaré qu’il pensait les aventures de Rama découpés en trois longs-métrages. Ben tiens. Notre incorruptible flic, à peine remis de sa douloureuse ascension du premier volet, doit protéger sa famille et démanteler la corruption policière en s’infiltrant au sein d’un des gangs les plus violents de la capitale. Celui de Bangun, politicien véreux, et de son fils Uco. A la manière de Les Infiltrés et du plus récent Man of Tai Chi de Keanu Reeves, Rama doit intégrer des cercles terriblement vicieux. Pour cela, il va devoir laisser échapper sa rage, pour des combats dont la violence se paie par la perte de son humanité.

Il faudra être bien médisant pour trouver à redire à ce The Raid 2 : Berandal. Certes, on est loin du « 100 % bourrin » du premier volet. Mais dans le cas où Gareth Evans se serait contenté de cela, le film aurait simplement été qualifié de pâle copie. Il n’en est rien. Lorsque le plan final, magistral, se termine, on sait déjà que la saga est passée de la surprise au culte. Berandal construit un mythe. Une légende folle, magnifique, qui n’a absolument pas à rougir face aux classiques du genre. Comme Rama, The Raid enchaîne les combats, saigne, mais ne pose le genou à terre que pour mieux se relever. Un seul mot : impressionnant. 

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American Nightmare 2 Anarchy
American Nightmare 2 Anarchy

 

Dire d’American Nightmare, sorti l’année dernière, qu’il est une déception revient à exprimer un sacré pléonasme. Rappel des faits : James DeMonaco arrive à l’été 2013 avec un scénario sexy à souhait : un jour par an, plutôt une nuit, dans un futur proche aux Etats-Unis, les citoyens ont un permis de tuer, torturer, exécuter leurs semblables pour se « purifier ». Surtout, pour laisser libre cours à leurs fantasmes, à leurs exaspérations. Au bout du compte, le spectateur sort de The Purge premier du nom avec un sacré goût d’inachevé, de bâclé. Une super idée, réduite à une répétition de faux rebondissements et à un environnement bien terne.

C’est donc grâce à un excellent script qu’on laisse au même DeMonaco le soin de se rattraper. Croix est faite sur le thriller domestique oppressant : Anarchy nous promène au cœur des rues de Californie, via le destin croisé de trois histoires, pour un total de 5 personnages au regard et aux comportements différents sur cette purge destructrice. Tantôt mystérieux, tantôt lâche, tantôt fébrile, notre petit groupe est loin d’avoir un charisme éclatant mais se laisse suivre à pas suffisant.

Violent, oui, mais pourquoi ?

Sans pour autant jouer l’alchimiste et transformer le plomb en or, James DeMonaco a le mérite d’apporter un rythme constant à son film. Surtout, plutôt que de se concentrer sur les peurs d’une middle class que l’on ne fait plus trembler si facilement que cela au cinéma, American Nightmare 2 : Anarchy creuse tant du côté des conséquences que des causes sociales de la purge, des motivations gouvernementales qui y sont liées comme des répercussions sociales. Sans être révolutionnaire, ni sur la forme, ni sur le fond, ce brin d’externalité dans le propos fait gagner au film une crédibilité scénaristique.

La prévisibilité des coups de théâtre est de fait beaucoup moins criarde, même si on ne retiendra définitivement pas James DeMonaco comme l’un des auteurs les plus subtils de sa génération. Anarchy se débarrasse de son faux ton d’épouvante du premier opus et tend davantage vers la vengeance désincarnée, histoire de provoquer un brin d’empathie au spectateur. Sans qu’il soit fondamentalement mauvais, le plus gros défaut de American Nightmare 2 est son absence totale d’impact au long terme. Face à une problématique aussi intéressante que celle soulevée par le film, il est désolant de constater qu’il ne montre que très peu d’impact post-visionnage. En un sens, c’est que l’objectif en est raté.

Robin Souriau