Vivre mais pas seulement à demi-mot, voilà l’une des valeurs importantes de Atanaz qui a sorti en Décembre 2021 son troisième projet. Le parisien d’origine guadeloupéenne revient dans un registre chant-rap qu’il maitrise de mieux en mieux avec à la clé une vraie façon de réorienter son existence. Au cours d’une rencontre bienveillante, le rappeur nous a parlé de sa façon d’aborder la musique et nous a aussi éclairé sur son parcours encore assez méconnu. 

Que retiens-tu de ton expérience à New York, une ville ou tu as vécu durant plusieurs années ?

Je me suis retrouvé là-bas dans le cadre de mes études bien que je sois un peu parti à l’arrache. J’ai cherché un taff en arrivant sur place et j’ai galéré à trouver un logement jusqu’à trouver une colocation après une recherche acharnée. Je me suis retrouvé en coloc avec César, un gars qui montait une marque de vêtements et qui faisait pas mal de son à l’époque. Comme cela faisait longtemps qu’il était sur place il m’a mis en contact avec plusieurs types de Harlem et j’ai pu rencontrer du beau monde. J’ai vraiment appris à être structuré dans la musique là-bas car j’ai vu comment produire son propre merchandising et je suis devenu plus professionnel. 

Qui as-tu rencontré sur place ? 

Certains membres du A$AP Mob étaient proches de gars avec qui j’était en contact donc j’ai pu les côtoyer. Je me suis également retrouvé dans des événements ou j’ai croisé Travis Scott. Tout cela est arrivé car la marque de mon pote César a cartonné au moment où je suis arrivé sur place. 

Ton amitié avec César t’a-t-elle amené à vouloir toi aussi te lancer dans la mode un jour ?

Franchement c’est un domaine que j’apprécie mais qui est vraiment à part entière. Il faudrait plus que je m’associe avec quelqu’un pour transmettre mes idées et produire des créations. Pour l’instant je n’ai pas la présomption de m’y connaître beaucoup bien que j’ai baigné dans ce milieu à New-York. Mais cela pourrait se faire un jour, tout est possible. 

Depuis que tu es jeune, qui sont les personnalités qui t’ont menés vers la musique ?

Plus jeune on va dire que mes parents m’ont beaucoup fait écouter de la Soul et des musiques caribéennes. Après j’ai très vite été pris dans l’engrenage du rap et du dancehall grâce à ma sœur. Je n’ai pas d’artistes références j’ai toujours été plus inspiré par des vibes musicales particulières. 

Est ce que tu suis les scènes rap aux Antilles actuellement ? 

Bien évidemment j’ai une oreille portée sur ce qui se fait là bas. La particularité de cette scène est que sa situation géographique la rapproche naturellement plus du rap américain. Depuis très longtemps Gucci Mane est un personnage fort en Guadeloupe par exemple. Le style de vie qu’il mène est plus en adéquation avec ce que les gens vivent là-bas que les métropolitains. 

Tu t’es fait absent pendant presque 3 ans après ton dernier projet (perceptions), est-ce que tu as voulu trouver un nouveau souffle ?

Je pense d’abord que le covid a contrecarré la plupart de mes plans car le but de Vivre est de passer un cap pour moi. Et pour passer ce cap, il est essentiel de pouvoir défendre le projet en live, chose qui n’était pas possible à l’époque. On avait déjà les prémices du projet fin 2020 mais on a préféré attendre que la situation sanitaire se stabilise pour se lancer. J’ai donc développé davantage la structure que j’ai co-créé qui se nomme DMG et on a aussi lancé une émission nommée OVF. Mais on a vraiment pas de chance puisque les concerts sont à nouveau impossibles. On a donc dû décaler la tournée qui était prévue en Février.

Comment et où as tu réalisé cette très belle cover ?

L’idée de cette cover est venue de ma volonté de représenter un reflet. J’en ai parlé à David Delaplace qui à tout de suite été emballé. On ne voulait pas faire cela via photoshop, on voulait représenter ce reflet avec un vrai cliché. David a donc eu l’idée de partir au Mont-Saint-Michel car lorsque la mer se retire là-bas une très fine pellicule d’eau se forme. On a donc représenté mon reflet grâce à cette mer très fine. 

Crédit : David Delaplace
Ta musique est intéressante car tu maîtrise une dualité entre le chant et le rap. As-tu eu ces vocations au même moment ?

On va dire que j’ai toujours été plus à l’aise dans le chant. Mais c’est d’abord par le rap que je me suis formé notamment dans des open mics. Avec mes gars on était vraiment des gros kickeurs et c’était compliqué à cette période de ma vie de mettre en avant le chant. C’est vraiment récemment que j’ai commencé à mettre en avant le chant et que j’ai trouvé un équilibre. Je trouve que le chant est un style beaucoup plus large et beaucoup plus accessible au niveau des émotions.

C’est important pour toi d’être polyvalent dans le rap aujourd’hui ?

Pas forcément car aujourd’hui tu as des gens qui ne font que du rap ou du chant seulement qui s’en sortent très bien. Je pense que la polyvalence est plus importante pour moi-même. Bien que je ne mette pas seul en avant énormément c’est quelque chose qui est essentielle à ma musique car cela me permet de retranscrire un maximum de vibes. Mais je ne mets pas de pression pour exercer les deux.

Lors de l’intro du projet tu cites « vivre mais pas seulement à demi-mot » quel est donc pour toi cette notion de vivre à demi-mots ? 

Pour moi vivre à demi mots c’est vivre en faisant semblant. Quand tu es dans la machine, que tu rentres dans la routine, tu peux rapidement tomber dans ce style de vie. Tu prends peu de recul sur ce que tu fais au final. Le Covid a finalement eu du bon car il a permis à de nombreuses personnes de se remettre en question par rapport à cela et beaucoup ont arrêté leur taff. Pour moi il faut vivre pour de vrai, vivre pour sa passion et trouver son équilibre. C’est vraiment cette idée-là que j’ai voulu transmettre au sein du projet. 

Cette notion de liberté se retrouve aussi au sein du morceau « Keys » ou tu parles de sortir d’un nuage de fumée. Depuis quand sais tu que tu sors du brouillard ? 

Depuis plus d’un an maintenant. En fait, vivre est dans la continuité de mes précédents projets. Sur aporie j’abordai beaucoup l’idée du doute puis au sein de perceptions j’ai parlé également beaucoup de l’avenir. Vivre est la conclusion de cette trilogie et c’est maintenant que je sors de cette période de doute.

Tu avais prévu cette évolution psychologique ? 

Non pas du tout. Je conçois la musique comme la suite de mes états d’âme. Tous les questionnements que je pose à l’ensemble de mes projets sont en parallèle avec ma vie mais je n’ai jamais pu prédire ce qui allait vraiment arriver. En tout cas pour l’instant c’est une continuité très positive.

Dans le morceau “Ailleurs” tu cites “C’est quand l’amour est mort que tu gagnes et que tu renaît ». Vivre une fin d’histoire c’est donc important ?

Je pense que c’est quand tu es au pied du mur que tu retrouves du courage. C’est là que tu te dépasse et que tu trouves l’énergie que tu ne pensais pas avoir. Je pense qu’il faut passer par ces moments pour renaître parfois dans la vie et avancer.

Comment as tu été amené à collaborer avec jok’air sur le titre « Angel »  ?

On ne se connaissait pas avant la collaboration. C’est vraiment une connexion musicale. Quand j’ai entendu la prod de Skywalkers Beats, j’ai directement imaginé Joker poser dessus. Je suis rentré en contact avec lui et il a vraiment adhéré à mon esthétique.  C’est vraiment lourd d’avoir encore ces connexions purement artistiques sans avoir le côté business autour.

Autre collaboration, celle avec Njo. Quelle est ta relation avec ce dernier et peux-tu nous parler de ce morceau ?

On s’est connu à l’époque de Aporie. Après le projet il a mis en stand by le rap pour passer plus de temps dans la direction artistique. Et c’est lui qui m’a beaucoup aidée à réaliser le projet Vivre. Pour ce morceau j’ai vraiment voulu mettre en avant la drill car c’est un genre qui m’a beaucoup marqué lorsque j’étais à New York en 2020.  Quand je suis arrivé là-bas c’était la folie il y avait du Pop smoke partout. New York est vraiment une ville rythmée par la musique. Cette drill m’a plus parlé que celle d’Angleterre car elle présente des influences dance hall plus prononcées. À la base j’avais fait ce morceau pour le délire mais mes potes m’ont rapidement fait comprendre qu’il fallait que je le sorte. 

Comment s’est passé ta release party et va tu faire des concerts prochainement ?

C’était vraiment cool mais ça a été très juste à organiser car au dernier moment on a dû changer de salle. Le concert était complet et c’était vraiment lors de retrouver la scène un an et demi après l’avoir quittée. C’est un vrai challenge et ça m’a fait plaisir de retrouver le public. Le fait d’avoir ramené beaucoup plus de chant également dans mon projet m’a permis de voir que cela amène une nouvelle énergie en concert. Actuellement, on est en suspens pour la prochaine tournée. Mais je pense qu’on sera opérationnel en avril.