Depuis son invitation à performer aux Jeux Olympiques à Paris cette année, Aya Nakamura est au cœur d’une polémique qui révèle les plaies profondes du racisme en France. Mais pourquoi cette artiste, adorée par des millions, est-elle l’ennemi public numéro un ?

Aya Nakamura règne en maître sur la scène musicale francophone depuis plus d’une décennie, avec des tubes incontournables tels que « Djadja », « Sucette », « Brisé » ou encore « Pookie ». Son talent indéniable lui a valu une réputation internationale et une place de choix dans le cœur de ses fans.

Le 29 février 2024, l’annonce de sollicitation de participer aux JO 2024 à Paris, où elle devrait interpréter une chanson d’Edith Piaf, a déclenché une tempête de haine raciale à travers les plateaux télévisés et les réseaux sociaux. Des figures politiques comme Marion Le Pen et Eric Zemmour n’ont pas hésité à déverser leur venin à son encontre.

Mais les attaques ne se sont pas arrêtées là. Un groupe d’extrême droite, les natifs, a déployé des banderoles racistes dans Paris, inscrivant des propos odieux à l’encontre de la chanteuse. Malgré cette violence, Aya Nakamura a répondu avec dignité : « Vous pouvez être raciste mais pas sourds… c’est ça qui vous fait mal ! »

Prise de parti

Cette situation a entraîné une enquête par le pole national de lutte contre la haine en ligne (PNLH) suite à un signalement de la Licra. Cette évènement soulève des questions plus larges sur le racisme dans l’industrie musicale et la société en général. Certains critiquent le choix d’une chanson d’Edith Piaf pour Nakamura, y voyant une tentative de « redorer » l’image de la France. D’autres, comme le tiktoker @iamzak, voient dans ce choix une preuve supplémentaire de l’injustice persistante à l’égard de l’artiste : « Je ne veux pas que Aya Nakamura chante au JO parce que les français ne méritent pas Aya… Ils ont un problème avec elle depuis toujours… Parce qu’elle est noire. »

Sa réussite irrite une partie de la population française. Mais les faits sont là : Aya Nakamura domine les charts et les streams.

Le cas d’Aya Nakamura illustre malheureusement un phénomène récurrent dans l’industrie de la musique et au-delà : les artistes racisés font souvent face à des obstacles significatifs en termes de reconnaissance et de récompenses. Ce constat n’est pas exclusif à la France; il est un problème global, reflétant les profondes inégalités et préjugés raciaux.

Point de vue historique

Historiquement, de nombreux artistes racisés ont vu leur travail sous-évalué ou approprié, sans recevoir le crédit ou les récompenses qu’ils méritaient. Aux États-Unis, par exemple, le rock n’ roll, aujourd’hui considéré comme un genre principalement blanc, trouve ses racines dans la musique afro-américaine. Des artistes comme Chuck Berry et Little Richard n’ont pas bénéficié du même degré de reconnaissance ou de succès commercial que leurs homologues blancs durant les premières années de ce genre musical. Dans le hip-hop et le R&B, des artistes afro-américains ont également lutté pour être reconnus par des institutions comme les Grammy Awards, qui ont souvent été critiqués pour leur manque de diversité et de reconnaissance des talents noirs.

Une question de couleur(s)

En France, le rap et le R&B, genres musicaux dominés par les artistes racisés, ont longtemps été marginalisés par les principales cérémonies de récompenses, comme les Victoires de la Musique, une réalité qui a directement impacté Aya Nakamura. Sa défaite controversée aux Victoires de la Musique en 2020 face à la chanteuse Pomme illustre ces obstacles similaires et a soulevé des questions sur le racisme institutionnel et les préjugés au sein de l’industrie de la musique. Cette situation, reconnue et critiquée par Pomme elle-même, met en lumière le traitement inégal réservé aux artistes en fonction de leur origine et de leur couleur de peau.

Malgré son succès indéniable, la polémique autour de sa participation aux Jeux Olympiques montre que le chemin vers une véritable égalité est encore long. Les attaques racistes dont elle a été victime ne font que souligner l’importance de continuer à lutter contre le racisme et de promouvoir une plus grande inclusion dans tous les aspects de la société, y compris dans l’industrie de la musique.

Conclusion

En conclusion, le combat d’Aya Nakamura et d’autres artistes racisés pour la reconnaissance et contre le racisme est un rappel poignant de la nécessité de remettre en question les structures existantes et de travailler activement à l’édification d’un monde plus inclusif et équitable. Il est crucial que l’industrie de la musique, ainsi que la société célèbre la diversité des talents. Seul alors pourrons-nous espérer atteindre une véritable égalité, où chaque artiste est jugé uniquement sur son talent et non sur la couleur de sa peau.

Laetitia W.