La nouvelle vague émergente aux États-unis de ces dernières années s’est construite sur les fondations d’une trap peut-être trop exploitée. Atlanta et bon nombre de villes américaines ont vu naître une armada de rappeurs assoiffés de succès et d’argent à l’image des rookies 42dugg et 2K baby. Ces derniers font partie d’une génération représentative de l’explosion du rap à travers le monde. Un genre devenue trop « Pop » pour certains.

Cependant les jeunes rappeurs de 2020 ne s’exportent pas tous vers une trap uniforme bien que cette dernière soit toujours efficace. Kota the friend, Sahbabii, Kent Jamz prennent part à cette nouvelle vague tournant parfois dans « l’alternative rap » qui remplit de bonheur les adeptes du rap underground. Reste ensuite le grand nom à retenir de cette nouvelle génération : Aaron may, jeune artiste de 19 ans venant de Houston.

Petit résumé de l’histoire du rap de Houston

C’est en 1986 que James Smith a.k.a Lil Prince fonde le légendaire label Rap-A-Lot. Première grande initiative lié à la culture Hip-Hop au sein de Houston, le label signera l’emblématique groupe de la ville, a.k.a Geto Boys. Vient ensuite l’avènement du label Suave House, fondé par le très jeune Tony draper à l’âge de 16 ans. L’histoire du label se mêle étroitement à Memphis avec des artistes comme 8 Ball & MJG et Trela. S’immisçant dans un registre plus « détendu », ces groupes mêleront le son sudistes avec le G-Funk californien, proposant alors une vibe différente de la période sombre des Geto Boys. Arrive après le classique du duo UGK dit Ridin dirty, premier gros fer de lance pour la ville du Texas. Un album qui propulsera le son sudiste à travers le monde.

La véritable « dictature musicale » de la ville arrivera ensuite avec le style screw au milieu des années 90. Fait de ralentissement et de choppings, ce style crée par le défunt Dj Screw sera un raz de marée au sein de tout le pays. La génération dorée de houston verra par la suite le jour avec à sa tête des rappeurs comme Chamillionaire, Slim Thug et Paul Wall. De nos jours la ville s’exprime internationalement avec sa nouvelle étoile dit Travis Scott. Mais aussi grâce à des artistes comme Kirko Bangz et bien évidemment par des rookies comme Aaron May.  

DJ SCREW, le novateur de Houston

Aaron May c’est qui ?

Véritable prodige, Aaron May excelle depuis tout jeune en tirant ses influences de groupes comme les Fugees ou de rappeurs comme J.cole. Venant des quartiers moyens de Houston, le jeune artiste mène une vie classique entre les couloirs du lycée et les terrains de basket. Sa vie change après la parution de son premier titre nommé « Ride » sur soundclound en 2018. S’adonnant à un style rayonnant , le morceau prend par son attitude positive lié aux relations amicales.

L’année suivante, Aaron prend les choses en mains et envoie plusieurs singles. Il annonce ainsi la sortie de son premier projet appelé Chase. Surprenant de voir que son deuxième morceau de carrière est une pure réussite. En effet « Let go« , cumulant aujourd’hui 6 millions de vues sur YouTube s’accapare à un son nocturne et amoureux parfait pour se balader de nuit. Le projet sort ensuite et ne passe pas inaperçu au sein de l’underground américain qui acclame la qualité de l’album. Aaron sortira ensuite un EP de 3 titres lors de l’été nommé Summer 19, lui aussi félicité. Un an est ensuite passé et le jeune homme a récemment fait son retour avec un featuring sur le projet de Jay Millz, rappeur de Los Angeles. Très discret sur les réseaux, Aaron laisse pourtant présager une future suite de Chase avec cette collaboration inattendue. L’engouement est de mise. 

Un déjà vu exploité à la perfection 

Mais en quoi Aaron May est-il si novateur pour la ville de Houston? Par ses productions ensoleillées premièrement. Car oui, l’artiste déjà habile au micro s’adonne également à la production et le fait très bien. En composant quasiment la totalité de son projet Chase, le rappeur a démontré ses qualités de beatmaking. Son style rappelle beaucoup celui de producteurs comme Harry Fraud et Dj Fresh avec des basses lentes couplés à des samples jazzy et soul.

Aaron se promène donc dans un style qui n’est pas neuf. Il le remet cependant au neuf en samplant des titres modernes comme « Indica Badu » de Logic. Côté flow et paroles, l’artiste n’a rien à envier à la concurrence. Reprenant certaines bases de kickage d’artistes comme J.cole ou Curren$y, le texan est un tout terrain en prenant le dessus sur de la Trap, du Boombap et même sur de l’alternative Hip-Hop. Mais son véritable point novateur sur Houston vient finalement par ses paroles. Ces dernières vont à l’opposé d’un mumble rap bien exploitée dans la ville texane avec des textes matures portés sur le regret, l’amour ou encore le désir, sa marque de fabrique.

Une philosophie du désir 

Comme tout bon rappeur, Aaron May fait preuve d’ego-trip, de comparaison et d’envie d’argent. Cependant sa complexité lyricale lui offre un avantage face à la concurrence. Tout son projet Chase est fondé sur la compréhension des désirs. L’artiste se questionne sur le but d’obtenir quelque chose et à quoi s’attendre avec ce dernier. Prenons donc 3 morceaux pour analyser la philosophie du jeune Texan. L’amour premièrement à travers le morceau « In Love » se reflète dans un échec. Aaron explique qu’il a donné tellement sans jamais recevoir et qu’il se voit maintenant en tant que « repousseur d’amour ».

Le succès et l’amélioration dans le morceau « Dreams » sont eux vu d’une autre façon. Aaron dit que sa vie a pris un autre tournant, qu’il a arrêter l’école au profit de la musique. L’argent venant évidemment avec le succès, l’artiste parle de cette folie capitaliste et de sa peur de changer. Il se rend alors compte que son but est de rester soi-même. Enfin, l’outro éponyme du projet se termine par deux phases qui résume parfaitement la philosophie du rappeur :

I understand that every last person in this world has desires But i also understand, that only a few are worth chasing.

« Chase » Aaron May

On comprend donc que Aaron s’efforce à renoncer à certains désirs. Il constate que ces derniers ne sont pas forcément bénéfiques au bonheur. Une belle leçon de vie. La ville de Houston compte dans ses rangs un jeune prodige capable de s’évader tout en produisant avec brio. On ne peut pas parler d’un renouveau musicale pour la ville mais plutôt d’une avancée poétique.

L’ère de la Lean et du gangsta rap n’est pas terminé au Texas. Néanmoins une nouvelle époque voit progressivement le jour grâce à des rookies talentueux et terriblement mature. Quoi qu’il en soit, souhaitons une longue et belle carrière à Aaron May, le meilleur reste à venir.

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