Avec Bleu Gospel sorti en Juillet dernier, Tuerie nous emmène dans un voyage musical placé sous le sigle de la guérison. Entre diversité musicale et honnêteté, l’artiste revient dans cette interview sur son parcours et sur la conception du projet.  

Qui es-tu ? 

Moi c’est Tuerie de l’écurie Foufoune Palace. Je fais de la musique depuis tout jeune et cela à toujours fait partie de moi. Je me lance actuellement avec Bleu Gospel qui est une carte de visite de ma musique et de mon identité visuelle. 

Quelles ont été tes influences musicales au sein de ta vie ?

Alors ça risque d’être un peu long (rires). C’est ma mère qui m’a très rapidement initié à différents genres musicaux. J’ai commencé avec les bases de la pop en passant par Phil Collins, Michael Jackson et Stevie Wonder. J’ai également un fort attachement envers le jazz avec des artistes comme Kenny G et Miles Davis. Au niveau du rap, mes influences se situent davantage en dehors de l’hexagone. Mon héros est James Blake et j’adore le délire d’artistes comme FKA Twig, Boogie, Drake et SiR. Je suis également un fou de l’âge d’or du RnB. Pour la scène française, j’aime beaucoup Woodkid, Disiz la peste. J’aime énormément de choses en fin de compte. 

Parmi toutes ces influences, y a- t-il un album que tu garderais à vie ?  

Je pense qu’il y en a plusieurs. Instinctivement, je citerai The Colour In Anything de James Blake. Mais il y a aussi The Miseducation of Lauryn Hill, My Beautiful Dark Twisted Fantasy de Kanye West et Views de Drake. 

Ton nom de scène est pour le moins intriguant, peux-tu nous expliquer d’où il vient ? 

C’est tout bête. Ce nom vient de l’époque où je faisais beaucoup de battles au sein de ma ville. Un jour après avoir kické, une gamine à crier “Eh mais c’est une tuerie” dans le public. C’est resté gravé dans ma tête. En fin de compte, c’est souvent c’est ton blase qui te choisit, surtout dans une ville comme Boulogne. Et encore moi j’ai eu de la chance, j’ai des potes qui s’appellent Cafard ou La Boule (rires). 

A la suite de ces battles comment as-tu été amené à rejoindre Foufoune Palace et à rencontrer Luidji ? 

A la base on est un groupe d’amis qui se connaît depuis 15 ans en moyenne. J’ai rencontré Luidji assez jeune. A cette période je faisais partie d’un live band dont l’un des membres qui se nomme Chris connaissait Luidji. Il m’a parlé de lui en me disant qu’il avait le même ADN musical que moi et qu’il n’habitait pas loin du tout. Je lui ai proposé de le ramener à la prochaine répète et depuis on ne s’est jamais lâché. Ensuite pour Foufoune Palace tout s’est fait naturellement. On à créer la structure de façon instinctive car notre groupe avait déjà l’esprit Foufoune Palace en lui.   

Ton dernier morceau avant Bleu Gospel date de 2017. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de sortir ce projet ? 

J’ai fait beaucoup de pauses car cela fait partie de mon adn. J’ai toujours été l’élève au fond de la classe qui avait des appréciations du genre “à un potentiel” ou “peut toujours mieux faire”. 

Parlons maintenant de Bleu Gospel. L’imprévisibilité dans tes textes et dans ta musique est la première chose que l’on remarque à l’écoute du projet. Il y a t’il une constante volonté de toujours surprendre l’auditeur dans ta musique ? 

De base je pense que quand tu es un artiste tu es différent aux yeux des gens. Peut être que je cultive cette différence depuis que je suis tout gosse. D’une certaine matière, surprendre les auditeurs est volontaire pour moi mais cela reste davantage naturel. Je déteste que l’auditeur s’ennuie. Que ce soit par des changements de flows, la manière dont j’incarne un personnage ou les choix de productions, j’aime surprendre car je trouve cela essentiel. 

Au-delà du Gospel, ce projet est un parfait cocktail de nombreuses musiques noires en passant par le jazz, le blues et évidemment le rap. 

En réalité, ce qu’il y a de plus gospel dans ce projet est dans son appellation. Bleu Gospel transpire autant le soul que le blues. Je trouve qu’en fin de compte c’est du negro spiritual contemporain. Je garde l’essence de mes ancêtres et je l’interprète sous des problèmes actuels. 

Il y a même une touche de variété française dans le morceau “Le Givre et le Vent”…

Oui et je ne m’en cache pas car c’est dans mon adn. D’ailleurs je suis un grand fou de ne pas t’avoir cité des artistes de variétés au début de l’interview. Je suis un fan de Jacques Brel ,de Serge Gainsbourg et même de Dalida et Barbara. C’est une musique très importante pour moi car c’est le panache et la classe incarnée. 

Il faut maintenant qu’on parle de “Tiroir Bleu” qui représente parfaitement ta polyvalence à changer de style. Comment as tu conçu ce morceau ? Avais tu prévu ces changements de flows ou cela s’est fait naturellement ? 

Il faut savoir que j’ai ce morceau en moi depuis que j’ai 13 ans. J’ai toujours su que je voulais raconter cette histoire, cela fait longtemps que je l’a contient en moi. Il faut aussi savoir que je n’ai pas de procédés créatifs définis. Pour ce morceau, c’est mon producteur (Ryan Koffi) qui m’a envoyé un pack de 15 prods. Comme cela faisait longtemps que j’attendais ce pack j’ai voulu le faire chier en utilisant 3 prods pour faire un seul morceau (rires). De plus, ce choix était cohérent avec ce morceau qui raconte le passage de la petite enfance à la situation d’urgence puis à la détresse. Pour la première partie du morceau, j’ai écrit le texte en 15 minutes, la deuxième en 10 minutes et la troisième en cabine en improvisation. 

C’était très instinctif au final. 

Exactement, je voulais qu’on ressente une spontanéité. Je voulais que mon coeur parle plus que les textes. 

On sent ainsi que ce n’est pas un morceau artificiel mais un véritable morceau qui vient du cœur.

C’est ce qui a fait que les gens ont créé des liens avec ma musique. Je pense qu’il me font confiance dans la mesure ou je leur ai raconté un truc grave. Les gens qui connaissent un peu la même chose peuvent se reconnaître dans ce morceau. 

 Tu as également réussi à sortir un projet totalement cohérent avec la ligne artistique de Foufoune Palace tout en te différenciant de la musique de Luidji. 

Si Luidji est sensible à ma musique c’est que j’ai toujours eu mon truc. C’est homogène et hétérogène à la fois car on a des influences communes mais aussi des styles de musique propre à nous. On n’a pas le même vécu mais le fait de s’être connu assez tôt donne des similitudes dans nos musiques qui sont très naturelles. Je pense que tu peux comparer cela à Dreamville ou un J.Cole ne va pas du tout sonner comme un Bas tout en gardant cependant des univers proches. 

L’honnêteté est ce qui ressort massivement de tes textes. On sent que tu as un réel besoin de cracher ton vécu. 

D’une certaine matière c’est volontaire. C’est une quête de guérison que j’ai mené à travers ce projet. Si en tant que entertainer tu as envie de proposer des choses folles par la suite il faut que le public te suive. Pour obtenir la confiance des gens, il est essentiel pour moi de se livrer à travers la musique. En clair j’avais deux volontés avec ce projet : la première était de me présenter, la deuxième de guérir. 

Bien que ton projet soit assez mélancolique, le dernier titre du projet conclut sur une note positive. Est-elle le symbole d’un nouveau départ pour toi ? 

C’est le point d’honneur qu’on retrouve dans ma musique. Les choses sont dures mais il y a un happy ending. A un moment de ma vie j’ai fais beaucoup de musique de motivation, je veux que les gens aillent au bout de leurs rêves de toutes leurs forces. Ce morceau c’est dire aux gens que j’en ai chier mais qu’on peut toujours s’en sortir. 

J’ai aussi l’impression que tu arrives au bon moment dans le rap. Dans le sens ou parler des violences conjugales est un fait moderne et tu es un des premiers rappeurs français à en parler de façon très explicite. 

Personnellement je n’ai pas calculé cela mais le climat s’y prête. On a de la chance de voir évoluer certaine mentalité, de voir des femmes très très fortes s’affirmer de nos jours. C’est cool de pouvoir aborder certaines thématiques aussi graves car comme on dit “c’est en parlant des choses qu’on trouve des solutions”. Aujourd’hui je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de morceaux qui parlent de violence conjugales. Mais il y a toujours eu des sons parlant du rapport parental comme “Laisse pas trainer ton fils” de NTM ou “Sans Re-Pères” de Sniper. Cette forme de violence à donc déjà été abordée mais de façon moins choquante à mon goût. On a toujours effleuré ce domaine dans le rap. 

Quels sont tes projets pour la suite ? 

Tout le bonheur qu’on puisse me souhaiter c’est d’être libre.  De ne pas tomber dans une case car j’ai envie de montrer beaucoup de choses, ma palette est encore très large. Je veux faire de la musique libre. 

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