Retour sur la confection de Eckmuhl, le premier projet solo de Kéroué, moitié de Fixpen Sill et ancien membre de 5 Majeur. 

Pense tu que Cinq Majeur as eu un héritage considérable sur les collectif du rap français avec du recul ?

Je trouve qu’en ce moment il y a beaucoup moins cette idée de collectif au sein du rap français, tout devient de plus en plus individuel. Les carrières solos sont privilégiées en ce moment c’est clair et nette. Je suis pourtant d’accord avec cette notion d’héritage et pas seulement pour 5 Majeur mais aussi pour Fixpen Sill. J’ai eu l’occasion de parler à des rappeurs de la nouvelle génération qui ont souvent été influencés par les différents collectifs du début des années 2010. Je n’aurai pas la prétention de dire que c’est grâce à nous que ces rappeurs ont commencé à rapper mais il est vrai que notre mouvement a eu un impact sur les nouvelles générations. 

Es-tu toujours en contact avec Nekfeu presque 10 ans après l’ère du 5 Majeur ?

Aujourd’hui chaque membre du groupe à tracé sa route. Heskis est sur son prochain projet solo tandis que Hunam a un peu ralenti la musique. Vidji c’est mon acolyte de toujours donc on se voit encore beaucoup et il est actuellement dans la direction artistique avec la 75ème session. Nekfeu est lui très souvent en déplacement, il est assez peu en France en fin de compte. On a des amis en commun donc cela arrive que se l’on croise de temps à autre. 

Es-tu satisfait du parcours de Fixpen sill avec du recul ? Vous êtes un groupe qui est en effet difficile à classer entre l’underground et le mainstream.

On a toujours eu cette esthétique underground sans forcément le vouloir avec du recul. On ne se cache pas, on aurait bien aimé avoir un succès plus important. Tout cela aurait engendré plus d’opportunités, plus de budget, pour construire quelque chose d’encore plus fort par la suite. On n’a cependant aucun regret sur notre carrière car on a su sortir des projets qualitatifs sur plusieurs années tout en faisant nos vies de nos côtés. Je pense surtout à Flag qui a eu un beau succès d’estime et qui nous a placés hors de la position d’ Outsiders. Fixpen Sill m’a aussi permis de pouvoir me lancer en solo aujourd’hui avec un très bon entourage donc je n’ai jamais eu le sentiment de faire ça pour rien. 

Justement que deviens tu depuis flag car depuis trois ans on te voit moins au sein du paysage du rap français ?

On s’est fait niquer notre tournée par le covid avec Fixpen. On avait prévu de faire beaucoup de dates mais malheureusement rien ne s’est fait. Au lieu de rester bloqué sur cet échec, je me suis rapidement dirigé vers mon projet solo. J’ai mis du temps à le construire car j’ai voulu prendre du temps à me projeter en solo. Aujourd’hui le projet est prêt à sortir et je me suis déjà concentré sur la sortie du prochain…

Quelles sont tes influences majeures en ce moment ? Est ce toujours Si Dieu Veut de la Fonky Family ?

Pour être honnête en ce moment je n’écoute plus trop de musique. Je suis très focus sur mes projets pour garder mes idées fraîches et éviter que d’autres influences déteignent sur ma musique. Il y a cependant des bonnes vagues que je me suis prises récemment comme le dernier album de Gunna et celui de Future. En rap français, la nouvelle génération me touche beaucoup notamment le rappeur Realo qui a un univers unique. J’écoute également mon cercle proche comme Alpha Wann ou les gars de la 75ème session.

Quelle volonté avec ce premier projet en solo ? Et comment l’as-tu construit ?

Eckmühl est le nom d’un phare en Bretagne basé à Saint Guénolé.C’est là que j’ai commencé l’écriture du projet lors du début du confinement en 2020. J’ai trouvé cela cool de ramener ce symbole géographique au sein du projet, cela symbolise bien mes racines. J’ai vraiment commencé une nouvelle étape dans ma carrière avec ce projet. C’est la première fois que j’ai pu m’exercer sans concession. Cela a été comme une forme de libération artistique même si je ne me sentais pas emprisonné au sein de Fixpen Sill. J’ai pu réaliser un projet de façon plus instinctif et développer une écriture plus personnelle 

Quelle importance donne tu à l’écriture en 2022 ? As t-elle la même place qu’à tes débuts ? 

Les paroles viennent assez naturellement chez moi tout comme les flows. Je ne fais jamais de tentatives, je fais avec mes propres armes. Je ne réfléchis pas aux attentes des auditeurs, je ne fais qu’en fonction de mon instinct. Le plus important est d’être véritable dans sa musique. 

Voilà maintenant plusieurs années que tu vis à Paris. Te sens-tu autant breton qu’auparavant actuellement ?

Je garde un attachement fort avec la Bretagne. C’est là bas que je me rends pour me ressourcer et pour enregistrer sur Quimper. Je me sens pourtant aussi parisien. J’ai des attaches ici comme ma copine, beaucoup d’amis de la musique et des souvenirs liés au rap. Mes bases en Bretagne sont aussi très fortes avec mes amis du lycée et ma famille. Je ne pourrais pas te dire quelle est mon identité, je pense que je fais un constant grand écart entre la capitale et la Bretagne. 

Les sorties nocturnes prennent une place importante dans ton écriture. Comment conditionnent t-elles ta vie ?

Le projet prend effectivement une teinte assez hivernale car il devait sortir à cette période. Finalement il voit le jour en plein été ce qui ne me dérange pas puisque je trouve ce paradoxe intéressant. C’est un projet très porté sur mes doutes et mes instincts donc cela s’accorde logiquement avec l’hiver et la nuit. 

On ressent une certaine perte d’innocence dans ce projet. Depuis quand as tu compris que la vie n’est pas un conte de fée ?

Lorsque j’avais 20 ans j’avais une vision assez positive de la vie puisque je vivais déjà de la musique. Maintenant j’ai une décennie de plus et je suis au stade où je remet beaucoup de choses en question dont mon avenir dans la musique. Je pense que parler de cette fin d’innocence était comme une sorte de motivation dans ce projet. Je ne sais pas si je reparlerai de ce thème dans mon prochain projet, je l’ai plus utilisé comme une transition pour la suite de ma carrière. 

Cette transition passe-t-elle par un changement de mentalité dans ta vie?

Je suis quelqu’un de foncièrement gentil, je ne pense pas avoir fait de mal dans ma carrière de rappeur. Je suis plutôt avenant et j’essaye d’apporter le bonheur au maximum à mes proches. Il est cependant important que la gentillesse ne passe pas pour une faiblesse. J’essaye de rappeler avec ce projet qu’avec l’âge je me suis endurcie mentalement et qu’il faut toujours se méfier de l’eau qui dort.

Comment est venu ce titre avec caballero qui est très original puisqu’il est absent de basses ?

On a fait deux titres avec Caballero. Le premier était un banger qu’on pourrait classer comme assez “basique”. J’ai ensuite eu cette ligne de basse qui a tout de suite parlé à Caba. Il a écrit le couplet en une nuit et on a fait le morceau dès le lendemain. En fin de compte on a fait le bon choix avec ce morceau car sa construction est originale et j’évite à tout prix la facilité dans ma musique. 

Peux-tu nous parler de ta collaboration avec Wallace Cleaver avec le titre “Vert Violet” ?

Ce rappeur vient du centre de la France, on s’est rencontré via le DJ de la 75ème session sur Paris. J’ai tout de suite accroché à sa vibe et je voulais le ramener sur mon projet. C’est une de ses premières apparitions musicales donc c’était aussi une bonne manière de l’introduire au public. 

On pourra te voir en concert après la sortie du projet ?

Je serais présent sur les premières parties de Lomepal durant tout l’été. On sera présent uniquement dans les arènes du sud de la France. Cela va me permettre de défendre mon projet auprès d’un grand public et de tester les morceaux les plus efficaces. Je débuterai ensuite ma propre tournée à la fin de l’année.