Leader de Assassin, l’un des groupes les plus mythiques du rap français, RCKNSQT a sorti son cinquième album solo nommé Prison Planet en septembre. Retour sur la carrière d’une légende du rap français et tour d’horizon de son dernier album qui aborde de nombreuses thématiques contemporaines. 

L’héritage d’assassin se ressent encore aujourd’hui. Notamment à travers des morceaux comme « Génération Assassin » de Booba, mais aussi par ton appartenance à la Sainte Trinité du rap des années 80. Es-tu conscient de tout ce que tu as laissé à la culture ? 

Oui, car je suis un artiste qui fait les choses avec une vraie perspective et une vision à long terme. Je suis conscient de ce que peut amener un courant artistique dans la vie d’une personne car c’est ce que j’ai vécu aussi. Il y a beaucoup d’artistes qui m’ont marqué et qui sont devenus de vraies bases de réflexion pour moi. Je sais donc l’impact que peut avoir une œuvre sur la vie des gens. 

Parmi ces artistes on peut retrouver Chuck D et Krs One. Comment t’ont-ils influencé au début de ta carrière ? 

Il y en a beaucoup d’autres, et bien au-delà du rap. Je peux citer Charlie Chaplin, Stevie Wonder ou James Brown pour les plus connus mais aussi des artistes totalement inconnus en France. Tous ces artistes m’ont montré qu’il fallait rester ouvert au monde. Ce que j’aime bien chez les êtres humains c’est ceux qui restent libres, qui font les choses sans se soucier du regard des gens. 

Qui sont les artistes qui t’ont influencé récemment ? 

Je trouve qu’un artiste comme Mosquito, qui fait de la samba, a une voix formidable et il m’a beaucoup marqué récemment. Dans le hip-hop mainstream j’ai beaucoup apprécié l’esprit créatif de Drake et Kanye West sur leurs derniers albums. Du côté de l’underground, j’ai aussi été touché par tous les membres de Griselda. Je reste toujours ouvert à ce qui se passe dans le monde du rap. 

Quel est ton attachement au Brésil ? Tu y vis depuis plus de 15 ans c’est cela ? 

C’est la musique qui m’a emmené là- bas et ce qui m’a fait rester est l’amour. Ainsi ma famille est brésilienne aujourd’hui. Je vis depuis longtemps là-bas car la vie m’y a emmené et le Brésil m’a accueilli les bras ouverts. 

Tu as déclaré sur Twitter ne pas avoir été relayé par les grands médias rap pour ton album Prison Planet contrairement à ton dernier album (432). Pourquoi ce boycott ? 

Je pense que c’est à eux qu’il faut poser la question. J’ai de la chance d’avoir un public qui m’a permis d’obtenir la deuxième place en termes des meilleurs démarrages sur Apple Music car il n’y aucun média qui a relaté la sortie de l’album. Pas un seul. C’est vrai qu’avec 432 j’ai eu beaucoup d’exposition car c’était un album sans thématique, voué à l’humain et à la spiritualité. Avec Prison Planet j’ai tiré à vue de façon chirurgicale. J’ai essayé d’aborder de nombreuses thématiques. Peut-être que ce que j’y dévelloppe va à l’encontre de ce que veulent montrer les médias. Je n’ai pas de réponse exacte, il faudra leur demander. 

Ton classement sur Apple Music prouve finalement que tu as une fan-base ultra fidèle depuis des générations.

Cela prouve surtout qu’il y a des gens qui ont envie d’entendre une alternative à l’information qu’on lui donne sur les médias mainstream. J’ai un public qui se renouvelle tout le temps. Si tu viens à l’un des concerts, tu verras des gens d’âge totalement différent, de classes sociales totalement opposées. C’est là que mon côté artistique est intéressant car j’arrive à rassembler des gens au parcours de vie différent. Tous ces gens se retrouvent à travers moi car j’essaye de retransmettre un côté humain dans ma musique. J’essaye toujours de m’adresser à tout le monde. 

Rentrons dans le vif du sujet, pourquoi avoir nommé ton album Prison Planet

Si tu as vu la cover de l’album, tu peux remarquer un bouton on/off qui représente toute la numérisation dans le monde et un ADN. Ce dernier remplace les barreaux d’une prison pour montrer que l’accès au numérique est un enfermement dématérialisé. Je pense que depuis qu’on nous a donné cet outil de “liberté” on est de plus en plus tracé. C’est cela que décrypte l’album. 

Les réseaux sociaux sont-ils en train de briser les relations humaines pour toi ?  

De toute façon le monde dans lequel on vit change nos relations, c’est l’évolution de l’humanité. On ne va pas faire les vieux cons à dire que ce n’est pas normal. A aucun moment je ne vais dire ce qu’il faut faire ou ne pas faire. J’analyse juste la situation dans laquelle on vit en proposant des alternatives pour garder son équilibre et sa liberté. Ce que je vois actuellement est qu’on nous bassine sur le fait que tout est de plus en plus dangereux. Ainsi on nous prive de nos libertés pour valoriser la sécurité. Je pense donc que les réseaux sociaux ont complètement altéré les relations humaines. 

« Esclave 2021″ représente peut-être la naissance de cet album. C’est- à dire ta vision d’un monde qui stagne depuis le début du siècle. Sur ce morceau tu cites “Esclave 2032” ce qui peut montrer que tu es pessimiste sur l’avenir. 

Je ne suis pas spécialement pessimiste mais cette oppression va continuer à vouloir contrôler les populations à l’avenir c’est une évidence. C’est le seul moyen qu’on trouvé les dirigeants pour monter en puissance, nous rendre de plus en plus esclave à travers la consommation. Les réseaux sociaux sont devenus une drogue dans la société, on ne peut plus s’en passer. Là il y a un mec qui s’appelle Guillaume Pitron qui vient de sortir un livre nommé L’enfer numérique: Voyage au bout d’un Like. A travers son enquête on se rend compte que l’écologie qu’on nous promet avec le numérique est faussé. Ce livre est très intéressant et il m’a conforté dans l’idée que 2032 sera identique si ce n’est pire à maintenant. 

L’esthétique musicale planante de Prison Planet est un véritable changement dans ta carrière. Pourquoi être parti vers cette direction artistique ?

J’avais déjà ouvert des portes dans ce style avec 432, qui était plus musical que Prison Planet . Avec ce dernier on se retrouve avec un hip-hop contemporain et moderne. Si tu écoutes ma discographie tu peux te rendre compte qu’on ne peut pas me définir dans un son précis. Je suis très diversifié dans mes goûts musicaux, c’est ma culture. Le cloud hip-hop présent dans l’album est un style que j’écoute depuis les débuts de Curren$y. Donc de toute façon je suis attiré par tous styles que ce soit de la drill, du 2 step ou du Boom Bap. Je n’ai pas de limite. Je suis très content de cet album et c’est bien que tu me parles de la musicalité car les thèmes sont tellement lourds que beaucoup de gens peuvent uniquement rester sur les paroles. 

Que représente ce premier featuring avec Akhenaton sur “Le revers de la médaille” et quel est ton vécu avec lui ? 

Je connais Akhenaton depuis la fin des années 80. Pour la petite histoire, c’est moi qui ai amené à Paris la première cassette concept du groupe qui tournait pas mal à Marseille à l’époque. C’est ça qui a ensuite amené IAM à signer dans une maison de disques par la suite. J’ai une belle histoire commune avec le groupe, ce sont des amis de longue date. Ce n’est pas la première fois que l’on pose sur le même morceau, on avait déjà collaboré sur “11’30 contre les lois racistes” mais il y avait d’autres rappeurs. Cela faisait longtemps qu’on voulait faire un son ensemble et là on vient de clipper le morceau. C’est une vrai réussite, on a réalisé un morceau hip-hop avec un sujet intéressant. Le fait qu’on appartienne à deux groupes légendaires a fait plaisir au public.

La collaboration avec Nikkfurie est aussi un fait marquant dans ton album. Je trouve cela symbolique puisque tu as commencé à le produire mais aussi parce que le thème de la numérisation de Prison Planet s’accorde bien avec son style.

Ce mec est un putain de tueur, c’est l’un des meilleurs producteurs du rap français pour moi. Il m’a produit trois titres qui sonnent totalement différents qui sont des bombes atomiques. Quand j’ai commencé à travailler sur ce projet, j’ai tout de suite pensé à lui. C’est un album à l’approche tellement futuriste que c’était une évidence qu’il travaille avec moi. Car il a toujours été en avance sur son temps. 

Tu cites Freeze Corleone dans “Opération condor”. Son côté complotiste est-il quelque chose qui t’a marqué ? 

Je trouve que le 667 et Freeze Corleone font partie des rappeurs les plus talentueux de la nouvelle génération. Il m’a cité sur le morceau ”2014” donc lui aussi à toujours eu un oeil sur moi. Je ne pense cependant pas l’avoir influencé. Il m’a mis en référence car j’ai développé des thèmes il y a plus de quinze ans qu’il aborde aujourd’hui. De nombreux de mes morceaux comme “Le pouvoir secret” ou « Illuminazi 666 » touchent des gens de sa génération. J’ai toujours cherché à être visionnaire et maintenant que les jeunes naissent avec internet, c’est très facile pour eux de trouver des morceaux dans ce registre. Votre génération, comparé à la précédente qui était nourrit par la télévision, à développer la capacité à chercher de nombreuses choses sur le net.  

Comment vas-tu défendre cet album cette année ?

Actuellement on est en train de clipper “Esclave 2021” puis viendra « Le Revers de la médaille« , ensuite on va mettre une tournée en place pour début 2022. On va défendre le projet à fond sur place et vu les thèmes que j’aborde ce n’est pas un album qui va prendre un coup de vieux en deux mois. Ce que je raconte dans Prison Planet sera surement compris et toujours d’actualité dans dix ans. 

Prison Planet de RCKNSQT est à streamer sur toutes les plateformes de streaming :