Toujours très active aujourd’hui, l’obscure scène de soundcloud qui a vu naître des rappeurs comme $uicideboy$ ou Pouya a marqué les esprits grâce à son ambiance unique. C’est tout l’héritage de la Three 6 Mafia qui a revu le jour en ces rappeurs aux alentours de 2013 avec un retour à l’horrocore et aux thèmes morbides. Parmi ces énergumènes, on retrouve le mystérieux Night Lovell. Rappeur nocturne ayant fait ses armes dans le sport, Lovell est un être à part dans le paysage américain. Entre sa fascination pour la nuit, son amour pour Ottawa et ses ambiances abyssales, l’artiste s’est construit une solide réputation pour devenir l’un des plus atypiques rappeurs des années 2010. Retour sur son histoire et sur Concept Vague, son premier projet sorti en 2014. 

Le représentant d’Ottawa

Ottawa est une terre hostile et sauvage. Un lieu de naissance qui à condamné dès sa naissance Lovell à une lassitude de la vie. Fils d’un rappeur nommé Mc Renegade, Lovell est bercé par Tupac et Biggie mais également par AC/DC. Son père est son premier soutien  et va le pousser à faire de la musique assez jeune. Mais l’environnement de d’Ottawa, une ville glaciale et ennuyante le pousse d’abord à s’isoler. Il est un jeune très timide qui s’enferme pour jouer aux jeux vidéos ou pour faire de la batterie. 

C’est finalement l’athlétisme qui va lui enseigner le sens de la rigueur et de la compétition. Lovell est très bon dans ce domaine et participe même aux jeux olympiques de la jeunesse en Chine en 2012. Mais la musique va le rattraper très vite. C’est d’abord dans la production que Lovell va faire parler de lui avec comme nom KLNV. Il travaille avec quelques acteurs de l’underground comme chris travis ou anonymous et façonne jour après jour son style nocturne. Lovell se voit cependant plus comme un rappeur et rêve de sauter dans la foule comme ses idoles. Le titre “Dark light”, qui devait être à la base donné à son père, le propulse en une seule journée sur SoundCloud. Une situation similaire au morceau “White Iverson” de Post Malone qui l’amène à sortir son premier projet en 2014 nommé Concept Vague

Sans concept 

Concept Vague est comme son nom vide de sens. Inutile donc de s’attendre à des textes travaillés dans ce projet de Lovell. L’artiste préfère mettre en place des flows uniques et concentre toute son énergie autour de sa voix rauque qui ne semble jamais changé au fur et à mesure des morceaux. Ses schémas de rime sont quasiment identiques dans le projet avec des flows saccadés et une obsession du mot “bitch”. Night Lovell a toujours exprimé en interview son choix de placer les mots pour la forme. Une conception du rap qui casse totalement avec le old school et qui se démarque également des Suicide Boys. 

On n’est parfois absorbé par ses mélodies qui ne laissent aucune place à l’empathie. Lovell arrive toujours avec des drops sortis des enfers et il sait parfaitement s’adapter aux tempos de ses prods. C’est une immersion dans une nuit cauchemardesque que l’artiste arrive ainsi à réaliser. Il est également important de préciser que ce projet fut réalisé avec les moyens du bord. La plupart des morceaux ont notamment été enregistrés dans la chambre de sa mère. Concept vague prend donc le risque d’être fait maison. Un pari gagnant puisque la carrière de Lovell va exploser après la sortie du projet. 

Entre les abysses et l’enfer

Le génie de Concept Vague se traduit par sa ligne artistique nocturne. Pas un seul titre du projet ne rend indifférent l’auditeur avec un soin apporté aux ambiances crépusculaires. La production repose sur des 808 prépondérantes et des samples minutieusement répétés. 

On retrouve principalement un cadre obscur avec des titres comme “Dark Light” et “Off Air” mais aussi des sphères plus tranquilles avec “Light from the Car” . Le titre “Beneath” expose néanmoins le côté novateur de ce projet. Produit par Blank Body qui est à l’origine d’une grande partie du projet, ce titre joue sur la fusion entre l’électro et l’horrocore. Night Lovell semble s’adapter parfaitement à ce registre en jouant avec sa voix insensible.

Le canadien assume également un côté cinématographique dans son projet avec des productions dominants largement les paroles. Ce dernier est en effet un fan de James Cameron et des blockbusters à toutes échelles. Ainsi des morceaux comme “Deira City Center” ou “Beneath” parviennent à plonger l’auditeur dans des scénarios apocalyptiques. On reconnaît par cette démarche la volonté de créer l’interprétation chez chaque auditeur. Une prise de position qu’il a ensuite massivement défendu sur scène avec des shows bien plus intenses que la majorité des rappeurs américains. 

Concept Vague se positionne comme un projet encore assez méconnu dans l’hexagone et qui a pourtant conquis de très nombreux adeptes aux Etats-Unis. Lovell continue son art avec Red Teenage Melody deux ans plus tard avec succès. Il peine pourtant aujourd’hui a vraiment retrouver l’authenticité de l’univers de Concept Vague. Un comble pour celui qui définissait son premier projet comme sans concept.