Lubiana est lumineuse et chaleureuse. C’est ce que je me dis dès que je la rencontre. Nous discutons de sa musique et de ses inspirations mais surtout de ce qui l’anime : incarner l’amour et le partager. À travers sa musique envoûtante, la jeune femme belgo-camerounaise nous fait voyager dans le monde et aussi à l’intérieur de soi-même. Sa voix s’accorde parfaitement avec la kora, l’instrument traditionnel d’Afrique de l’Ouest qu’elle maîtrise à la perfection. Rencontre apaisante avec Lubiana à l’occasion de la sortie de son premier album.

Salut Lubiana, tu viens de sortir ton album Beloved, comment te sens-tu ?

Je me sens comme toute la palette d’emojis qu’il y a sur le téléphone, tous à la suite ! Il y a cette partie de moi qui va dans tous les sens, hyper excitée. Et il y a aussi la partie sereine, qui ne se dévoile pas et qui se dit “qui vivra verra”. Je suis très fière de cet album, c’est mon premier. Je sais que c’était le bon moment et que tout était juste. Donc maintenant, il se passera ce qui devra se passer. 

Qu’est-ce qui te rend particulièrement fière dans ce projet ?

Ce qui me rend fière c’est que c’est moi, c’est mon son. J’en ai tellement rêvé de trouver mon identité artistique, pendant 10 ans. J’ai aussi cherché mon identité en tant qu’être humain. J’ai beaucoup voyagé pour chercher ma voie. Et je suis tellement fière de l’avoir trouvée. 

Dans quel mood étais-tu lors de la composition de tes morceaux ? 

Je suis passée par toutes les périodes. Il y a des titres qui sont très proches de la création de l’album, que j’ai écrits pendant le confinement comme “Diarabi”. Mais j’ai aussi d’autres titres comme “Don’t Get Me Wrong” que j’ai écrits il y a longtemps. Donc ils ont été faits dans plein d’énergies différentes. J’étais en Europe, aux Etats-Unis ou en Afrique. L’album est marqué par toutes ces périodes de ma vie. Par exemple quand j’ai fait “Self Love”, je me sentais vraiment mal et j’ai dû apprendre à m’aimer. À l’inverse, quand j’ai fait “Take Me to Zion”, qui était l’un des derniers titres que j’ai composés, j’étais beaucoup plus sereine et apaisée. Je pense que l’énergie des titres se ressent parce qu’elle est liée à plein de moments différents de ce parcours qui a été si long, si riche et si intense. 

Quel message souhaites-tu faire passer à travers ce 1er album ?

Le message de cet album, c’est un retour à l’amour. Beloved, c’est la signification de mon prénom Lubiana mais ça veut aussi dire bien-aimée, l’amour. Pendant toutes ces années de quête, à me chercher et essayer de comprendre pourquoi j’étais si dure avec moi-même, je me suis rendue compte que le but ultime de la vie c’est l’amour. L’amour c’est la compassion, c’est l’écoute, le respect, la bienveillance. C’est un monde en harmonie et en paix. Pour moi c’est vraiment ça qui compte. Beloved ça veut dire bien-aimée mais je l’entends aussi comme “sois amour” et c’est ça le but de la vie, d’être amour. 

« Le message de cet album, c’est un retour à l’amour. »

Pour faire référence au titre de ton album, à quel moment te sens-tu la plus aimée ? 

Je m’aime quand je sens que j’aime l’autre. Quand je suis respectueuse et que ce que j’ai fait ou pas a fait que l’autre se sente bien. Pendant longtemps, je voyais l’autre comme une menace, je me comparais. Beaucoup de gens me trouvaient hautaine mais en fait c’est parce que j’avais peur qu’on me rejette et qu’on me repousse. J’agissais par peur. Mais aujourd’hui, je m’aime quand je sais que j’ai été bien et respectueuse. 

Je me suis toujours posée plein de questions et j’ai eu un environnement familial qui m’a aussi aidé à le faire. J’ai aussi créé le podcast “Be”, c’est un peu la genèse de Beloved. C’est en écrivant mes émotions et mes maux que je découvre beaucoup de choses sur moi. Mais c’est le travail d’une vie. 

Quelles ont été tes influences musicales en grandissant ? Quels sont les artistes que tu écoutais étant petite ?

Je suis de la génération de la Star Ac’, de Lorie, ça m’impressionnait de les voir chanter quand j’étais plus jeune. J’adorais Corneille, son album “Parce qu’on vient de loin” je le connais par coeur. Il me faisait penser à mon papa, qui avait quitté le Cameroun pour venir faire ses études en Belgique. À travers cet album, il y a avait quelque chose qui m’a fait me rendre compte des inégalités du monde. Ça m’a beaucoup touché. Et à côté de ça, j’avais aussi l’album de 50Cent que j’écoutais beaucoup. J’ai eu plein de périodes différentes, je me suis beaucoup cherchée. Mais je pense que c’est quand j’ai découvert le jazz que là ça m’a parlé profondément. 

Comment se passe ton processus de création avec la kora, l’instrument traditionnel que tu utilises ?

Tout est hyper fluide. C’est un instrument qui n’a pas de partition, qui n’est pas codifié. C’est comme une inspiration, ça vient. Il y a des chansons que j’ai écrites en une heure et demie et elles sont là. J’ai presque l’impression que ce n’est pas moi qui l’ai fait. Et parfois j’ai des chansons qui mettent beaucoup plus de temps, qui sont réfléchies. Des chansons ou à la fin je sens qu’il y a un truc. Comme “Naiad Y” que j’ai écrite il y a longtemps mais je sentais qu’elle devait faire partie de l’album. En général, tout vient en même temps, la mélodie, le texte, c’est une sorte de brouillon et ensuite il faut peaufiner quelques parties. Au moins tu réfléchis et au plus ça vient d’une émotion. Sur “Diarabi”, j’ai beaucoup pleuré et j’écrivais en même temps. 

Est-ce que chanter en anglais plutôt qu’en français te donne une plus grande liberté pour t’exprimer ?

J’ai fait toutes mes études en anglais, j’ai fait 6 ans de musique dans la partie néerlandophone de la Belgique donc je parlais anglais toute la journée. C’est même pas un choix. Dans ce désir d’être la plus honnête et authentique, quand je crée ce sont des mots en anglais qui me viennent. 

J’ai beaucoup aimé le titre Fighter, est ce que tu peux m’en dire plus dessus ? C’est un morceau hyper rayonnant dans lequel on ressent de l’optimisme.

Certaines personnes voient ce morceau comme une revanche mais pour moi au contraire c’est prendre possession de son pouvoir intérieur. Ce n’est pas un pouvoir pour combattre mais pour s’affirmer. C’est une affirmation de soi parce que ton âme est une battante et une guerrière. Le message c’est vraiment que tu peux tout faire, tout réaliser. Ce pouvoir est en toi. Il y a des gens qui vont te faire des choses mais toi, tu as ce pouvoir de dire non. C’est aussi le message de cet album, de prendre confiance en soi et de se dire qu’on peut réaliser ses rêves. 

Tu voudrais qu’on retienne quoi après l’écoute de ton album ?

Je voudrais qu’on soit rempli. Comme quand on est déprimé et qu’on regarde une vidéo de motivation. J’ai envie que ça se manifeste dans le réel. Je n’ai pas pensé cet album pour qu’on l’écoute et qu’on se dise “elle est vraiment géniale”. J’ai envie que les gens se disent “je suis géniale, je peux le faire”. C’est aussi pour ça que j’ai créé mon podcast. J’ai envie de partager mes failles et mes vulnérabilités. Ce sont nos forces. Je suis tellement touchée quand des personnes me disent par exemple que “Self Love” les a poussé ou aider à faire ce chemin. Et que ça se manifeste dans leur vie, par l’action. J’ai envie de montrer quelque chose de vrai, pas quelque chose de parfait ou lisse. Quelque chose qui va faire que tu vas pouvoir t’identifier toi aussi. 

Comment te sens-tu à l’idée de remonter sur scène pour cet album ?

J’ai trop hâte. J’ai fait tellement d’open mics et j’ai joué dans toutes les conditions possibles. Il y a un truc vraiment magique dans le live et pas prise de tête. C’est un moment où je ne suis pas dans le contrôle. Je ne prends plus les choses personnellement. Il y a beaucoup de moments dans mon live où je fais participer. Il y a des gens hyper timides, d’autres qui sont à fond. Je ne me sens plus gênée, je me dis juste que c’est du partage et du kiff. 

Et la tournée, ce sera vraiment un conte. Un voyage qui part d’Europe en Afrique, aux Etats-Unis. J’ai enregistré plein de sons quand je suis retournée au Cameroun comme le bruit de la pluie, le chant des animaux, le bruit de mon village. Ça va vraiment être une immersion avec les lumières etc. Donc ce sera vraiment la prochaine étape de pouvoir mettre en place le show visuel. C’est vraiment un voyage. L’album est né d’une quête et il va se résulter en un voyage. J’ai envie que les gens traversent les cultures, comme dans un conte. On dit que les joueurs de kora sont des conteurs, ils transmettent l’histoire. Moi je me vois un peu comme ça. 

Quel avait été ton déclic pour te lancer dans la musique ? 

Le début pour moi ça a été le plus facile. C’est un peu comme une relation d’amour, tu vis le début c’est toujours fluide, tu ne te poses pas de question. Après c’est tenir la durée et continuer qui est plus difficile. Le début c’était idyllique, j’écoutais de la musique tout le temps, je n’avais pas de pression de carrière. Je rentrais de l’école, je jouais de la guitare, il n’y avait pas vraiment de but, c’était juste de créer. Tout était nouveau et magnifique.

Puis à partir de mes 17 ans quand j’ai commencé mes études, on m’a dit “non, ça ne va pas” ou quand tu joues devant un jury et qu’ils ne te regardent pas. Là ça devient dur. C’est là que tu te demandes comment garder cette passion et comment s’accrocher. J’ai eu ce rêve de la kora qui m’a donné ce signe après 4 ou 5 ans de luttes. Ensuite j’ai voyagé aux Etats-Unis et j’ai fait la rencontre d’une personne incroyable lors d’un open mic. J’ai eu plein de petits signes de la vie qui m’ont fait tenir. Donc pour moi, ce n’était pas tant commencer qui était dur mais c’était ne pas arrêter et arriver aujourd’hui à Beloved.

Quelle est la suite pour toi, qu’aimerais-tu accomplir ?

J’ai plein de rêves. Liés à la musique mais aussi liés au voyage. J’aimerais me nourrir de voyages. J’ai eu la chance d’aller au Sénégal récemment et ça m’a énormément nourrie. Je rêverais aussi de pouvoir créer une plateforme de podcast où j’invite des amis artistes et où on parle de thématiques plus profondes. Comment trouver sa voie, le syndrome de l’imposteur, comment en tant que jeune artiste tu peux réaliser ton rêve… C’est pour ça que j’ai créé le podcast “Be” aussi. Et j’aimerais aussi faire des collaborations avec des artistes des 4 coins du monde.