Un accent original, un style vestimentaire digne d’une fashion week parisienne, voilà ce qui nous frappe en découvrant Pa Salieu. Autant survivant que musicien, le jeune rappeur de Coventry est la nouvelle tête d’affiche de l’afro swing, suivant les traces de J Hus. Son premier album Send Them To Coventry en a séduit plus d’un, et nous en faisons partie.  

Le survivant

Né le 1er Juin 1997 à Slough dans le sud de l’Angleterre, le jeune Pa Salieu Gaye de son vrai nom, part avant son premier anniversaire pour son pays d’origine : la Gambie. Il grandit alors avec sa grand-mère qui va lui instruire ses premières valeurs musicales. Devenu adolescent, Pa repart pour l’Angleterre et atterrit à Coventry. Sa vie devient très compliquée en 2017 avec la mort de ses grands-parents. Le jeune homme tombe alors dans une profonde dépression et se console par la poésie et la musique. C’est son meilleur ami qui lui pansera les plaies en l’emmenant à un studio local dirigé par un certain Jam. Ce dernier, sentant son potentiel, lui offrira des séances d’enregistrement et deviendra ensuite son manager.

Au même moment en Angleterre, un homme du nom de J Hus explose avec son album Common Sense et devient le pionnier de l’afro swing, le nouveau style de rap émergeant dans le pays de la couronne. Pa suit directement cette vague et débute dans la musique en 2018 avec des morceaux notables tel que “Like Tu Danz”.

Pourtant son cauchemar personnel continue en 2019. Lors d’une fusillade au cœur de son quartier, Pa reçoit une balle dans la tête et s’en sort miraculeusement. Malheureusement, son meilleur ami présent également , y reste. Profondément atteint, cette étape de la vie de Pa va l’endurcir. L’artiste se répand alors dans la musique et obtient son plus grand succès avec “Frontline”, morceau confiant qui devient une hymne à Coventry. Il enchaîne ensuite les collaborations avec notamment le jeune prodige SL sur “Hit the block” et Millionz sur “Year of the Real”. Signé chez Warner, Pa Salieu sort donc Send Them to Coventry au mois de novembre 2020, un album étonnant par sa diversité musicale. 

Un Melting-Pot de sonorités

Ayant eu des expériences de vie en Gambie, Pa Salieu a développé dès le plus jeune âge une oreille musicale très polyvalente. Ses influences multiples se ressentent à l’écoute de son premier album, et elles en sont le gros point fort. En interprétant linéairement son projet on s’aperçoit que chaque tracks est différente par ses productions. Les pistes mélangent tout, vraiment tout. “Over There” est par exemple un morceau à la structure drill mais aux sonorités très afro swing. On retrouve un mix de cloud rap et de dancehall sortant tout droit de Kingston sur “Betty”. “More Paper” tend vers une mélodie rappelant les slows langoureux des années 80. On se sent même parfois dans un western comme dans “Active”. Le morceau présente des instruments tel que la guitarron, très présente au Mexique, donnant l’impression d’être plongée dans le désert de Coventry.

Le grime (évidemment) n’échappe pas au projet. C’est peut-être après l’afro swing, la sonorité la plus présente du projet avec “B***K” ou “Frontline” comme étendard. La production la plus marquante du projet est cependant “No Warnin”, à tel point qu’on ne peut là classer. Basses jamaïcaines, sample de pianos, bruit de cloche et en conclusion des sonorités de guitares acoustiques. Un mélange explosif qui cache cependant des paroles brutes et sombres.

C.O.V, city of violence

Si les instrumentales de Send Them to Coventry sont plutôt dansantes et enjouées, les paroles de Pa en sont loin du compte. Situé à proximité de Birmingham, Coventry est une ville moyenne, multiculturelle, où la violence est malheureusement présente. C’est ce que Pa revendique grandement à travers son projet. C’est d’abord la fierté d’avoir grandi dans cet environnement qui est présent. “they don’t know about the frontline” dit l’artiste dans le morceau du même nom. C’est l’ignorance des autres qui renforce la crédibilité de Pa.

C’est aussi l’ambiance sanglante de la rue qui se dessine. “Many brothers lost life” sur “Block Boy”, “fire came from the dragon’s lair”  sur “Over There” telles sont les paroles d’un jeune artiste soumis aux coups de feu. L’ego du rappeur est pourtant particulier. Au lieu de prendre la direction de la vengeance envers ses assaillants, il se montre humble et ne les qualifie que de jaloux de son succès. 

“N****s want me dead, I wouldn’t blame them »

« More Paper« 

En parlant de succès, l’attirance de l’argent est évidemment présente dans les tracks de Send Them to Coventry. Mais elle prend plutôt la forme d’une aide pour la famille du rappeur. Déjà dans “ More Paper”, où le culte de l’argent est omniprésent, mais surtout dans “My Family » en featuring avec BackRoad Gee. Dans ce morceau Pa parle de son rôle à tenir en tant que protecteur de sa famille. Mais  pas seulement de sang car sa famille de cœur a aussi une importance majeure pour lui. 

Un album bon dans les flows mais répétitif

Comme nous le disions au tout début de l’article, l’accent spécifique de Pa lui facilite des prises de flows extravagantes, un gros point fort au projet. Les mots en anglais sont quelque fois mâchés voire incompréhensibles sur certaines phases ce qui donne une atmosphère particulière aux morceaux. Certains passages donnent lieu à l’argot anglais de Coventry comme sur “B***K”.

« Yeah Di music black, skin tone black”

« B***K« 

On regrette cependant la trop grosse répétition au niveau lyric : des sujets peu variés et des couplets semblant être “copié-collé” sur certains morceaux. Si l’album en porte le nom, la ville de Coventry est peut-être trop citée aux travers des tracks avec des références dans quasiment tous les couplets de l’interprète, ce qui peut lasser certains auditeurs. 

En fin de compte,  Send Them to Coventry est un projet complet par ses productions variées et riches. On trouve une direction artistique intéressante avec des flows particuliers. On attendra néanmoins un niveau supérieur en termes de paroles. Quoi qu’il en soit Pa Salieu prouve une fois de plus que l’Angleterre regorge de talents, même en dehors de sa capitale

Malo.H