Nul besoin de rappel, l’année 2020 fut une année très particulière. De toute évidence, le monde de la musique n’a pas été épargné par cette pandémie mondiale. Les nombreux concerts mis en suspens ont impacté le monde du hip-hop. Malgré ces dures événements, les bacs à disques ont été bien remplis (et avec qualité) ! Avec une année dominée par Lil Baby, le rap américain a délivré pépites sur pépites sans pour autant se départager autour d’un album phare. En passant par Atlanta, Indiana ou encore Buffalo, Hypesoul vous propose son top 10 des albums de l’année.

#10. Savage mode 2 – 21 Savage & Metro Boomin

Le retour du sanglant duo d’Atlanta était attendu et il n’a pas déçu. Au terme d’un album raconté par un certain Morgan Freeman, 21 et Metro ont livré le deuxième épisode de Savage Mode. On pourrait qualifier ce projet comme un tournant pour les deux compères avec une maturité et une authenticité encore jamais vues. 21 séduit l’auditeur avec une assurance mise à l’œuvre sur tous types de prods.  On passe en effet par des mélodies sanglantes sur “Runnin”, des sonorités mielleuses sur “Rich N*gga Shit” ou des clins d’œil aux années 80 avec “Steppin On N*ggas”.

Même si l’interprète propose un rap de haut niveau, c’est surtout Metro qui monte le niveau de l’album avec ses ambiances. Boomin a conçu Savage Mode 2 comme un véritable Blockbuster. Sans être un chef d’œuvre, Savage Mode 2 se targue tout de même d’une qualité auditive rarement vue cette année. Une opération donc réussie pour le duo géorgien qui intègre la dixième position de ce top.

#9. My Turn – Lil Baby

Comme beaucoup le pensent, vendre n’est pas synonyme de qualité. Dans le cas de Lil Baby cette pensée ne peut qu’être oubliée. Avec son deuxième album studio nommé My turn, Lil Baby a littéralement dominé les charts américaines de cette année. On parle alors d’un album tout à fait classique dans sa conception. Une bonne vingtaine de tracks, des instrumentales typiques de la trap géorgienne et du vocabulaire alliant le drip au puss* peuvent résumer My Turn. Le réel point fort de l’album vient finalement du rappeur lui-même. Lil Baby se montre en effet sous son meilleur jour avec My Turn.

Il propose des refrains entêtants sur “Woah”, perfectionne ses drops sur “Heatin Up” et met en avant ses poulains comme 42 Dugg sur “We Paid”. My Turn s’avère être un album explosif, aux flow entrainants, parfait pour turn up en club. Mention spéciale aux efforts fait par Lil Baby sur ses choix de prods, bien plus diversifiés qu’auparavant.

#8. The Goat – Polo G

Avant l’écoute de The Goat, on pourrait s’attendre à un énième album copié collé de la trap actuelle, abordant les mêmes sujets tels que la drogue et la richesse. Polo G nous prouve qu’il n’en est rien. Le jeune homme de Chicago prend à contrepied l’auditeur avec son deuxième projet. Entre désespérance et espoir, c’est un florilège de pianos et de guitares qui accompagnent les mots de l’artiste. Bien que des thèmes classiques sont présents comme les femmes sur “Martin & Ginna” ou la richesse sur “Go Stupid”, c’est en rappeur engagé que Polo G marque le plus.

On est ému à l’écoute de “Be Something” on l’on ressent le besoin de réussite qui torture Polo. On est nostalgique à l’écoute de “21” qui rend hommage à Juice WRLD. Et on est surpris par sa versatilité avec “Wishing for a hero”, samplant “Changes” de Tupac où l’artiste cite Malcom X entre autres pour dénoncer les violences policières. Un cap est passé pour Polo G en 2020 et on l’attend maintenant au sommet l’année prochaine. 

#7. The price of Tea in China – Boldy James & The Alchemist

Voici la première entrée de The Alchemist dans ce top. Le légendaire producteur a été très présent cette année en signant plus de cinq projets collaboratifs. Boldy James fait partie de ces heureux élus. Lui aussi très productif en 2020, le rappeur de Buffalo signé chez Griselda Record est sorti du lot avec cinq albums de qualités. The Price of Tea Of in China, son deuxième de l’année est sûrement le plus accompli. Une ambiance lugubre, des samples froids et des paroles violentes font l’univers de ce projet. On est effrayé à l’écoute de titres comme “Scrape The Bowl” ou “Slow Roll” qui donnent une atmosphère angoissante.

Mais on présage aussi l’espoir dans des morceaux comme “Grey October” qui parle de l’envie de réussir par la voie de Dieu. Boldy James accomplit un vrai travail sur ses textes abordant sa vie familiale, ses frasques dans la rue ou ses objectifs financiers. The Alchemist réussit aussi un grand coup par ses prods très old school loin d’être ringardes. Avec son rythme lent, le producteur se remet au goût du jour en allant plus loin dans l’utilisation des samples.

#6. Black Habits – D Smoke

Beaucoup de choses sont à dire sur D Smoke. Cet artiste de 34 ans, frère du chanteur SiR et gagnant de l’émission Rhythm & Flow est un des grands espoirs du rap américain. Avec Black Habits, son premier album studio, le californien éclabousse l’auditeur de son talent. Interprétant ses chansons en anglais et en espagnol, l’artiste marque sa diversité lyricale. Son album est maîtrisé de bout en bout même si on aurait préféré un format plus court. Il y aborde sa vie familiale et son envie de liberté sous une ambiance ensoleillée. La variété d’ambiances et de sujets abordés au sein de cet album est également à souligner.

On passe de mélodies épiques avec “Gaspar Yanga” à des musiques lunaires comme “Fly” ou « Fallin« . On retrouve un semblant de Kendrick Lamar dans D Smoke. Premièrement par sa capacité à s’adapter à tous types de productions. Secondement par sa modestie et son côté très storytelling propre à son homologue de Compton. Un artiste à surveiller sur les prochaines années qui offre avec Black Habits un peu de couleur à l’année 2020.

#5. As god Intented – Apollo Brown & Che noir

Detroit, la ville du légendaire J Dilla, est aussi celle d’Apollo Brown. Ce producteur au sommet aux débuts des années 2010 avec son album Gas Mask peinait à se renouveler depuis. Avec As God Intended c’est chose faite. En s’alliant à la prometteuse Che Noir, une rappeuse de Buffalo, Apollo va plus loin dans ses productions et signe un bijou mélodieux. Avec des samples allant du rap Hardcore de Scarface au froid New-Yorkais de Nas, Che Noir expose ainsi ses arguments sur le monde.

Elle aborde son effroi par rapport au monde capitaliste sur “Money Orientated”, les relations paternelles difficiles sur “Daddy’s Girl” ainsi que les injustices policières sur “Freedom”. Les paroles conscientes mais non moralisatrices de Che Noir témoignent d’un flow brut à couper le souffle. Apollo Brown accompagne ainsi la rappeuse avec des prods aux influences soul, remplies d’émotions. As God Intended prend donc cette cinquième place de ce top par son authenticité et sa richesse musicale. 

#4. Burden of Proof – Benny the Butcher

Vous croyez en avoir fini avec Griselda ? Vous êtes loin du compte, le label de Buffalo à tout raflé cette année. C’est peut-être le membre le plus charismatique qui prend ici cette quatrième place, Benny The Butcher. Rappeur à la voix grave rappelant un certain Black Thought, Benny a pris du poids depuis l’excellent Tana Talk 3 sortie en 2018. Il est ainsi accompagné par des légendes telles que Lil Wayne et Rick Ross sur son premier “vrai” album sous Shady Record. Cerise sur le gâteau, c’est le grand Hit-Boy qui produit l’album en entier.

Burden of Proof est ainsi l’album qui fait passer un cap à Benny. Par ses productions premièrement, aux tendances rock accompagnées d’un Boom Bap qui fera pâlir les nostalgiques des années 90. Mais surtout par les textes de Benny qui repousse les démons de son esprit sur “Over The Limit”, remercie Dieu pour son aide sur “Thank God I Made It” pour finalement sortir par la grande porte sur “Legend”. Très ego-trip, Burden Of Proof témoigne d’une atmosphère gangster maîtrisée et se classe ainsi comme un des poids lourds de cette année 2020. 

#3. A Written Testimony – Jay Electronica 

Le mythe a fini par prendre fin. Jay Electronica, fantasme de tous les adeptes de rap américain depuis 2007 revient avec un album hautement attendu. A Written Testimony est le retour d’un sage, parti s’exiler au Népal pendant plusieurs années. Bien qu’une partie de la fanbase fut déçue par ce projet, on ne peut ignorer sa magnificence. D’autant plus que la légende Jay-Z s’empare d’une grande partie des couplets, à la surprise de tout le monde. Très spirituel et engagé, A Written Testimony raconte les désarrois d’une société américaine sous toutes ses formes.

Jay aborde sa haine envers le matérialisme dans “The Neverending Story”, ses pensées complotistes sur “Shiny Suit Theory” ou rend des hommages sur “Ghost of Soulja Slim”. C’est un album très varié où chaque morceau prend un sens particulier. Plus qu’un rappeur, Jay prouve une fois de plus son génie musical sur ses productions. On est hypnotisé par des mélodies mystiques comme  “A.D.I.P.T.A”. On est décontenancés à l’écoute de “The Blinding”, passant d’une instru garage à un rythme cloud mené par Travis Scott. Et on prend du plaisir à écouter des samples en tout genre, allant de Rihanna à Talib Kweli. A Written Testimony est ainsi une ballade spirituelle, non révolutionnaire mais terriblement addictive. 

#2. Pray For Paris – Westside Gunn

Nous entrons dans le vif du sujet avec Pray for Paris de Westside Gunn, le quatrième et dernier rappeur de Buffalo de ce top. Accompagnés de légendes comme DJ Premier ou The Alchemist, Westside montre avec cet album le sommet de son excentricité. A base d’ad-libs mythiques, d’une voix plus que reconnaissable, le rappeur réussit son coup avec un projet enregistré en deux jours à Paris. Froide, les prods de PFP sont accompagnées de pianos mafieux et d’une mélancolie rarissime. C’est une ambiance rythmée par les coups de flingues qui résonnent dans nos oreilles.

L’album captive par des productions douces mais paradoxalement inquiétantes. “327”, en featuring avec Joey Bada$$ et Tyler the Creator se targue d’être un des meilleurs morceaux de l’année. On y retrouve un kickage parfait, une mélodie de piano addictive et un charisme authentique. PFP est en fin de compte un album accessible, mais très original dans son approche gangster. Par ses mélodies maîtrisées, son flow atypique Westside Gunn livre sa pièce maîtresse et se classe deuxième de ce top.                 

#1. Alfredo – Freddie Gibbs & The Alchemist

Le bijou de cette année, littéralement. Après une année 2019 prolifique avec Bandana en compagnie de Madlib, Freddie livre Alfredo, œuvre courte et jouissive. La cover représente parfaitement l’originalité du projet. Elle lie l’univers cinématographique du parrain à la fantaisie de Freddie représenté par des pâtes. Ainsi, Freddie éclabousse de son talent, parlant de ses loisirs quotidiens et de son passé de dealer. Considéré comme un bastion du gangsta-rap, le rappeur livre ses références sur “Franck Lucas”, grand malfrat des années 2000.

Il dénonce les violence policières sur “Scottie Beam” et voue un culte aux voitures sur “God is perfect”. L’alchimie entre The Alchemist et le rappeur est parfaite. On est captivé par les textes durs de Freddie sur des samples de soul. “Something To Rap about” est l’aboutissement de l’album avec une prod captivante et un couplet marquant de Tyler the creator. Freddie prouve au fil des années son talent en livrant pépites sur pépites. Nommé aux Grammys Award cette année, le rappeur de Gary mérite le sommet de ce top. 

Mentions Honorables :

From King To a God – Conway the Machine

No pressure – Logic

Man of the Moon III – Kid Cudi

Shoot for The Stars, Aim for the Moon – Pop Smoke