Susanoô vient de sortir Nitoryu, son deuxième projet solo. Lui qui est beatmaker (notamment reconnu pour son travail sur le morceau « Police » de Maes, single de diamant) et rappeur, a désormais bien démarré sa carrière personnelle. Retour en discussion avec lui, à propos de cet EP plein de dualité…

Susanoô, ton premier projet Ichi signifie « un » en japonais, de plus ton nom d’artiste fait référence à la mythologie japonaise. D’où te viens cette passion pour la culture nippone ?

J’ai grandi dans cette culture-là tu vois : les animes, les mangas … Mon premier rapport avec le Japon s’est fait par l’histoire, la mythologie. J’ai été bercé par toute la culture pop nippone des 80’s et 90’s qui m’a suivi jusqu’à aujourd’hui car je suis toujours à fond dedans. C’est un univers dans lequel je me retrouve, ça fait partie de moi. Maintenant tout le monde m’appelle Suz, même ma mère ! (rires)

Tu dis avoir écouté beaucoup de chanson française (Lama, Brel, Brassens, etc.), selon toi cela a eu une influence sur ta façon d’écrire ?

J’en suis sûr. Les chansonniers de l’époque avaient une manière particulière d’attaquer les sujets dans leurs chansons. Le texte portait tout le morceau et c’est ce dont j’ai voulu me rapprocher, tout en l’actualisant avec des codes plus récents et plus personnels. Ça me vient de ma grand-mère tout cela. Toute la semaine c’étaient les musiques africaines à la maison et le dimanche c’étaient les chansons françaises pour faire le ménage. Plus tard on m’a offert une compilation de 3 cd de George Brassens et de Jacques Brel, depuis je n’ai pas arrêté.

Plus jeune tu as commencé par écrire et produire pour des amis, et puis tu t’es mis à le faire pour toi-même. Comment s’est faite la transition ?

Une amie chanteuse pour laquelle j’écrivais et je composais avait fait un stage de chant. Pour l’occasion, je l’accompagnais au piano. Sa coach vocale lui a demandé si ce qu’elle interprétait était une composition ou une reprise. Et puis au fur et à mesure, elle m’a fait remarquer qu’il serait intéressant que je défende mes propres textes. J’ai mis un peu de temps à m’y mettre car je n’avais, selon moi, pas la voix par rapport aux artistes que je côtoyais. C’est à partir de là que ça a commencé, vers 2013.

Tu as commencé par un petit synthé reçu à Noël étant enfant, puis tu t’es essayé à FL Studio (logiciel de production) que tu as vite abandonné pour t’y remettre quelques années plus tard par le biais de connaissances. Tu ne t’intéresses pas seulement aux paroles et à la voix mais également à la production. Lequel de ces deux aspects de ta carrière est arrivé en premier ?

Si on remonte, j’ai commencé par faire de la poésie et du slam, puis la composition est venue après. Et puis les deux se sont nourris l’un de l’autre et se complètent désormais. Après j’ai pu faire certains placements (comme « Street » et « Police » de Maes) qui m’ont plus fait connaitre en tant que beatmaker mais j’ai toujours eu ce côté artiste en parallèle.

Justement, tu parles de « Police » de Maes qui a été certifié single de diamant, plus tôt avant ça tu avais produit « Sicario » avec YL et Ninho qui a été certifié single d’or. Ces premiers gros succès en tant que beatmaker t’ont conforté dans ton envie de développer cet aspect de ta carrière ?

Un petit peu oui. J’ai eu une période durant laquelle je produisais beaucoup pour pouvoir progresser. J’étais également dans un environnement allant dans le même sens. Je trainais beaucoup avec Jack Flag, Heezy Lee, Big Dada, qui te poussent à te donner à fond. Mais j’ai toujours voulu garder ces deux casquettes. 

Pour toi qui es à la production de tes propres morceaux, es-tu davantage satisfait du rendu plutôt que si tu faisais appel à un autre producteur ?

Ça dépend. Il y a certains morceaux sur lesquels j’ai envie de bosser pendant deux mois, seulement pour la prod mais il faut aussi savoir se dire stop. On cherche des fois à aller vers une perfection alors que le truc est déjà là. Par exemple pour le morceau « Partir seul », j’avais seulement fait le morceau et la basse. Et puis en écrivant le texte j’ai vu que ça suffisait alors que j’avais à la base prévue de rajouter des drums, des arrangements, etc.

Oui justement, et puis certaines fois lorsque l’on fait appel à des producteurs, c’est difficile de leur faire comprendre exactement ce que l’on a dans la tête, comment on imagine la chose.

Exactement, c’est pour ça que j’ai commencé la production. Bon depuis, j’ai fait pas mal de collabs et je suis maintenant plus à même de bosser avec quelqu’un sur une prod, plutôt que d’en prendre une toute faite avec seulement quelques arrangements à faire.

 © Sahra Zohra

Le nom de ton projet Nitoryu est une référence à One Piece. Pour faire simple, c’est un style de combat au sabre basé sur l’utilisation simultanée de deux lames. Pourquoi l’avoir appelé ainsi ?

C’est pour continuer le schéma que j’essaie de lancer avec mes formats courts. Ichi c’est « un » : l’unité, le premier. Nitoryu, c’est le combat de sabre avec 2 lames : on est dans la dualité et c’est ce qu’on a essayé de retranscrire dans le projet.
Ces formats courts reviendront de temps en temps dans ma carrière mais le prochain projet ne sera surement pas la suite de la série. Je vais me faire plaisir sur un autre format.

On a discuté plus tôt de tes influences, on ressent également des sonorités afro, notamment dans le morceau « S’évader ». C’est un style de musique que tu as beaucoup écouté plus jeune.

Oui bien sûr. Quand j’étais petit je pouvais écouter Koto Bass, Grace Deca, Donny Elwood, Saly Nyolo …  Il y a aussi Rema en ce moment qui m’inspire beaucoup, il m’influence grandement dans mes toplines.

Justement tu parles de toplines, quel est ton processus de création sur un morceau ?

Sois je pars sur une prod déjà faite, soit je fais un piano/guitare voix, j’écris tout le texte, puis je fais la prod. L’étape de la topline c’est une étape par laquelle je ne passe pas tout le temps. Souvent j’en fais une quand j’ai du mal à trouver le thème du texte et à écrire. 

Nitoryu est un projet assez dansant avec des morceaux comme « S’évader », « Mauvaise humeur », parfait pour l’été qui arrive. C’était un choix de faire un EP qui colle avec cette atmosphère ensoleillée ?

Oui, déjà vu l’actualité de l’EP, on arrive en été bientôt. Et puis comme je te l’ai dit avant, il y a cette dualité. Les morceaux dansants contrastent avec d’autres plus calmes et mélancoliques comme « Premier soir », « Déteste ». Pour Nitoryu on a également pensé à la scène. On aimerait pouvoir rencontrer le public en concert et c’est des morceaux qui s’y prêtent.

Le dernier morceau de cet EP « Premier soir » est magnifique. Quelles ont été tes influences quand tu l’as créé ?

J’étais à fond sur Henri Salvador. J’ai mis 6 mois à écrire ce morceau. Les morceaux guitare/voix ce sont les premiers morceaux que je faisais. Je prenais ma guitare et j’allais les jouer en me baladant dans ma ville, le Mans. J’ai eu beaucoup de retours me disant que ça ressemblait à du Luidji, je suis très flatté de la comparaison.

J’ai entendu du Luidji dans ce morceau, et je ne suis pas le seul à ce que je vois. Est-ce que c’est un artiste qui te parle ?

Je pense qu’on a pas mal d’influences similaires, on a dû se construire un peu de la même façon. Mais tu vois, à la base je voulais rajouter une batterie, une 808 et puis finalement je l’ai laissé comme ça. Ça me faisait kiffer de finir sur un guitare/voix comme ça. 

L’année dernière, tu disais essayer de ne pas travestir tes pensées pour pouvoir livrer la partie la plus honnête de toi-même. Tu as même dit qu’il y a une partie de ta vie que tu n’as pas encore réussi à retranscrire artistiquement.

Je sais qu’il y a quelque chose et qu’il y aura une façon idéale pour moi de le faire. Mais tant que je ne suis pas prêt je ne force pas. Je ne me mets pas la pression car si je veux qu’il soit comme je l’imagine il faut le laisser mûrir. Certaines émotions prennent du temps à traiter et il faut être prêt pour en parler ouvertement

À quoi peut-on s’attendre pour la suite ?

De grandes chansons. Je finirai sur ça. J’ai plein de petits projets en solo ou non. On travaille tous les jours pour créer et je suis content du train de vie musical que j’emprunte ; ça ne prévoit que de bonnes choses.